Assise, genoux repliés, collants une partie de son visage, elle se disait que ce lac, devant elle, pouvait bien aller se faire voir. Ça manquait d’immensité. Un truc de carte postale, propre, sans aspérités. Elle voulait partir de là. Ça ne vivait pas ici, tout y était trop beau, trop figé. Bref, on s’faisait bien chier.

Elle attendait l’autre con, qui voulait se barrer aussi, mais pour une grosse ville, loin. New York. Elle trouvait ce choix tellement con. Elle ne le lui dirait pas. Ça servirait à quoi ? Les types comme lui, ça croit toujours que la grandeur d’une ville a quelque chose à voir avec celle de leurs ambitions.

Elle, ce qu’elle voulait, c’était une vue sur la mer, tout le temps, que ce soit dans une ville qui gueule ou un petit village qui murmure. L’autre con lui avait dit un jour qu’avec le lac, elle avait déjà de la flotte devant elle, tous les jours. Ouais, sauf qu’un lac, c’est trop calme, trop sage. Alors que la mer, ou un océan, ça a l’air infini. Ça ment, bien sûr, ça finit toujours quelque part, mais au moins, ça fait semblant d’être libre.

Sa mère aimait bien le lac. Après une vie mouvementée, elle pouvait se poser devant. Regarder les reflets, croire que le silence est une réponse. Mais elle, elle avait encore le temps avant la retraite. Elle voulait se cramer, se cogner, se « virager » dans la vie. Le lac, c’était trop droit pour elle.

L’autre con était enfin là, deux canettes de bière en main. Il lui en tendit une en s’asseyant près d’elle.

— Toujours dans l’idée de te casser d’ici pour ta flotte plus grande ?

Elle ouvrit sa bière, leva les yeux vers le lac, soupira.

— Ouais.

Elle voulait vivre plus fort. Infiniment.