Un début de journée, avant le boulot.

Julian, qui vagabonde dans ses pensées avant d'être sur son lieu de travail.

Se réveiller, du vide à côté. La solitude, c’est quand l’autre s’est barré. On enfile son slip, on met une dosette dans la machine pour boire un café pas trop bon mais pas dégueulasse non plus, et on mange vite fait des tartines avant de mieux se préparer.

Julian n’est pas très motivé pour bouffer de la statistique, du chiffre et supporter son boss qui gueule au rendement toute la journée.
Non, il ne veut pas aller travailler, mais il faut bien payer le loyer et se nourrir.

Il tire une deuxième cigarette depuis le bord de sa fenêtre, côté routes qui partent vers l’aventure ou la routine. Il prend souvent la deuxième, pour le salaire.
Habillé et prêt, il prend sa vieille voiture, direction le parking de la gare. Putain, ça caille sa mère, se dit-il, en constatant les températures en dessous de zéro, avec l’ironie que plus de dix degrés vont poindre le bout de leur nez dans la journée.
Le ciel s’est rougi d’une ambition, d’une beauté qui repousse l’envie de terminer la vie. Julian, au début de ce voyage en train, pense à ses amours perdues, parce qu’en général, il ne sait pas garder. Elles finissent souvent par ne plus avoir pour lui de pensées dithyrambiques.

Tout le long, il voit défiler depuis la vitre des paysages, passant par de vieux sites industriels, témoins d’une histoire ouvrière, qui se foutent de la modernité, des terrils, de l’automne profond dans les arbres, des champs immenses parfois. Il avait oublié son bouquin, mais ce n’était pas grave. Le contrôleur, gueule par terre, vérifiait les titres de transport. Sa vie semblait déjà loin.

Julian devenait encore plus attentif lorsque le train fit escale dans sa ville, où il avait connu sa jeunesse, une partie de sa vie adulte. Depuis le train, le quai qu’il connaissait bien, on pouvait voir les maisons avec leurs briques rouge orangé, signature des logements sociaux, comme l’habitat de ses parents. Y avait des ouvriers dedans, des chômeurs et autres allocataires sociaux. La richesse était ailleurs. Il n’y habitait plus depuis des années. Il se souvenait de la rue terminant sur un cul-de-sac, les copains y venant faire des parties de foot, lui se croyant être Zidane, sa mère, avec son charmant accent, criant de faire attention à ses fleurs, son père murmurant très fort de faire attention à sa bagnole, son petit frère boudeur de ne pas pouvoir jouer à la guerre, et de son premier baiser dans le champ d’en face avec sa voisine aux seins bien portants. L’enfance, c’est beau quand on est dans l’après.

Bientôt, le train va s’arrêter, terminus, son boulot se trouve juste en face. Quelle idée d’avoir voulu être banquier, c’est pas un métier drôle.
Il aurait aimé être poète, dans la vie comme dans les écrits. Écrire, c’est mieux que rien lorsque le vide, c’est beaucoup.

La plume perchée de Sébastian Blysk

Par Sebastian Blysk

Ecrivain, et travailleur social (ou inversement)

Auteur d’Une Petit longue déclaration, recueil publié le 9 mars 2022
aux éditions Frison-Roche Belles-lettres.

“Les Fragments d’un chagrin” est sorti le 29 janvier 2025 aux éditions Lys Bleu

Je suis dans la rédaction d’un roman.

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