Littérature de comptoir

7. Julian n'est pas un écrivain selon lui, et il s'en fout. Nananère !

Je ne suis pas écrivain. Au fond, je ne sais sûrement pas écrire. Voilà ce que je pense, mon vieux. Non, pas du tout, je ne cherche pas qu’on me contredise, qu’on me flatte pour compenser, qu’on me sorte que je suis le meilleur. Je t’assure, ça m’énerverait plus qu’autre chose. Mon pote l’est peut-être, un écrivain, et encore, c’est pas dit. J’vois déjà les hystériques rappliquer, les langues pendues, prêtes à me dire : "Arrête de te dévaloriser, moi je crois en toi, t’es un écrivain et puis c’est tout." Je sais déjà qui va dire quoi. Et moi, ça m’gave. Sucez-moi en silence, mais épargnez-moi vos simagrées, vos conneries. Ça me débecte. Les âmes sauveuses me donnent encore plus envie de crever.

Bien sûr, mon vieux, une bière. Ce n’est pas une posture, c’est juste comme ça. Je ne sais pas écrire, et puis voilà. Et tu sais quoi ? Ça m’en touche une sans faire bouger l’autre, comme disait Chirac. Mais je ne peux pas m’empêcher de taper des mots sur un clavier. C’est fichtrement apaisant. Alors j’écris, pour pas clamser trop vite.

Mon pote, lui, est tout fier de sa détox des réseaux sociaux. Il m’a dit que son écriture prenait du muscle depuis. C’était pas faute de lui avoir dit d’arrêter, au moins ses déclarations grotesques. Moi, elles me donnaient souvent envie de m’foutre de sa gueule, de dégueuler quand ça devenait trop pathos. Et puis sérieux, y’avait rarement de quoi bander dans ses histoires où il glissait des nibards pour rien. Il écrivait pour plaire, c’est tout.

Et toi, mon vieux, avec ta gonzesse ? Bien sûr qu’elle n’allait pas venir. Ça cause beaucoup, les femmes, mais ça fait pas grand-chose. Elles attendent. Puis elles deviennent tristes. Et après, c’est nous, les fautifs. Elle t’a sûrement dit qu’elle voulait prendre ce billet mais qu’elle avait trop peur, qu’après tout tu pouvais venir toi, que c’était toi qui faisais ton peureux. Avec la mienne, ça roule, on continue jusqu’à ce que ça s’effondre. L’amour, ça m’a trop crevé.

La plume perchée de Sébastian Blysk

Par Sebastian Blysk

Ecrivain, et travailleur social (ou inversement)

Auteur d’Une Petit longue déclaration, recueil publié le 9 mars 2022
aux éditions Frison-Roche Belles-lettres.

“Les Fragments d’un chagrin” est sorti le 29 janvier 2025 aux éditions Lys Bleu

Je suis dans la rédaction d’un roman.

Les derniers articles publiés