Littérature de comptoir

10. C'est Julian qui raconte une anecdote (flemme d'écrire un sous-titre...oups)

Je devrais sans doute faire une pause dans mes virées. Mon foie, déjà, il apprécierait, ouais. Et puis, ça m’laisserait peut-être un peu de temps pour gratter du papier. Va pour un coca, qu’ils disent... Tu parles ! Fous-moi une putain de bière. Ce matin, j’ai entendu l’histoire d’une femme qui a perdu l’amour de sa vie. Parti vers le ciel, le bougre, et elle, elle m’a parlé comme si elle était déjà morte. Quand ta raison de vivre se fait la malle, c’est ton esprit qui finit par te ronger. C’est ça, la folie.

Dernièrement, elle s’était amourachée d’un type. Un pauvre gars, j’crois bien. Loin de chez elle. Ça sentait la baise à plein nez. Elle espérait mieux, peut-être, mais pas trop non plus. Après tout, elle avait déjà connu le grand amour, hein ? Ce genre de truc qui te consume.

J’l’ai écoutée pendant une bonne heure. Elle voulait récupérer le cœur de son mort, mais garder la zigounette du vivant. Le second, il était encore bien en vie, lui. C’est fou comme un cœur peut se crever pour de bon, sans même qu’on le voit venir. Et une fois que c’est fait, y’a plus qu’à s’occuper. Prendre du bon temps, quoi. Mais j’ai capté que ce gars-là, il voulait autre chose. Il cherchait à construire un truc, une famille peut-être. Il n’avait pas envie de claquer son fric en trains et en hôtels juste pour faire grimper une nana au rideau.

Je lui ai demandé : « Tu pensais vraiment qu’il allait venir, ce mec ? » Elle m’a répondu : « J’y croyais un peu. Et c’était déjà trop. » L’espoir, ça flingue. Elle était prête à tout lâcher, à faire le grand saut, qu’elle m’a dit. Mais quand j’ai creusé un peu, j’ai vu que c’était une flippée, une égoïste aussi. Elle voulait rien partager. Pas même son corps. Plus l’courage. Son cœur, de toute façon, il était déjà en train de crever ici. L’autre morceau, celui qui battait encore, il s’baladait là-haut, avec son mec.

Ouais, mon vieux. J’sais pas quand on se reverra. Demain, peut-être. Ou dans un bail, va savoir.

À plus.

La plume perchée de Sébastian Blysk

Par Sebastian Blysk

Ecrivain, et travailleur social (ou inversement)

Auteur d’Une Petit longue déclaration, recueil publié le 9 mars 2022
aux éditions Frison-Roche Belles-lettres.

“Les Fragments d’un chagrin” est sorti le 29 janvier 2025 aux éditions Lys Bleu

Je suis dans la rédaction d’un roman.

Les derniers articles publiés