Parfois, faudrait mourir en partie, avant de débuter une histoire.
J’souffrais à ses côtés. Nous étions posés sur ce quai du fleuve de la ville où il y a de l’aube, même dans la nuit. Elle était belle, cette fille, son sourire un peu triste accueillait du soleil, et la regarder procurait du bonheur. Je me décomposais. Dans mon cœur, ça commençait à crier joie, mais dans le reste, j’sentais les charcutes de l’autrefois qui statuaient encore un avenir.
— Pourquoi t’es de glace, Julian ?
Je ne savais quoi lui répondre. On meurt parfois comme ça, pour débuter enfin la vie.
On s’graillait un asiatique, la bouffe pas mauvaise, et puis, il faisait beau. Sur ce quai, il ne semblait y avoir que des gens heureux.
— Tu sais, Julian, j’essaie de te comprendre, pour mieux t’aimer. L’amour, ça ne suffit pas. T’es là et loin. Y a du pas toi dans ce toi. Je le sens.
J’crevais là, à ses côtés, avec tristesse et sourire. Je ne mourais pas assez vite, l’amour allait partir. J’aurais voulu lui dire que j’arrivais, que j’étais plus persévérant que le Titanic, que j’allais briser la glace, ce gros glacier, que grâce à elle, je me sentais heureux, que j’allais pouvoir le démontrer, lui demander pardon. La tristesse, elle vient parfois de trop loin, alors on ne sait plus, un jour, d’où ça vient. Mais ça bloque quand même.
Lui raconter que l’avoir collée à moi, nue contre mon corps de lâche, c’était le paradis. La respirer, c’était le parfum d’une vie. Et que je la trouvais épatante. Mieux encore, je l’admirais. Oui, elle et ses idées, son courage, son ambition. Autrement amoureux, je me sentais revivre.
J’canais, voyant sa main chercher la mienne. La mort de ces années non vécues. La mort de mes rires trop forts, des sourires qui disent rien ne va mal.
J’mourais trop longuement. Et parce que je n’avais pas su dire tout ça, elle est partie.
J’allais renaître. Dans cette histoire, je n’étais qu’un fœtus. Sans le savoir. Elle non plus, alors.
J’aurais voulu crever plus vite. Ou encore mieux, avant. Pour mieux l’aimer.