Rien à dire de plus.
Les vagues venaient lui lécher les pieds comme si elles avaient signé un pacte avec son ennui. Son cul profitait du sable chaud, ça changeait de son canapé. Elle avait laissé son lac derrière elle, troqué la tranquillité contre l’immensité. Fallait bien respirer quelque part, sans se faire écraser par l’air.
Elle grattait quelques mots dans un carnet, rien de littéraire, juste pour ne pas exploser. Elle laissait les romans aux autres, aux gens qui ont besoin de se croire écrivains. Ce qu’elle notait, c’était du brut, pour elle seule. Elle a souri. Elle repensait à une amie, une qui essaye d’écrire depuis deux ans. Pas une ligne. Rien. Alors elle noircit des bouts de sa vie dans la marge. Elle sourit parce qu’au fond, elle pensait que son amie n’était pas écrivaine non plus. Parce que quand t’as rien pondu en deux ans et que t’as jamais rien publié, c’est peut-être que t’as rien à dire. Ou que t’as trop peur de le dire. Elle, elle était juste lucide. Et puis, elle visait autre chose. Des projets avec plus de coffre que des phrases bancales.
La dernière fois qu’elle avait couché, elle y croyait un peu. Pas qu’au sexe — ça, c’était devenu un réflexe — mais à l’idée que le gars puisse faire quelque chose de sa vie. De la leur, peut-être. Elle sourit à nouveau. Elle pensait à une autre amie, celle qui s’accrochait encore au potentiel d’un mec, après avoir perdu son mari. Un mari mort sous les roues d’une bagnole trop pressée. Un mari pas violent avec les poings, mais avec les mots, les silences, les absences. Un couple toxique qui jouait à s’aimer puis à se détester chaque semaine. Elle sourit, parce qu’à ses yeux, c’était pas de l’amour, c’était un dégât émotionnel maquillé en passion. De la merde emballée dans un peu de tendresse. Ils avaient quand même fait des gosses magnifiques, à en crever. Et pourtant, cette amie continuait de parler de son mari comme s’il avait été un héros romantique. Elle espérait juste qu’elle tombe un jour sur un amour qui lui fasse oublier ce connard posthume.
Elle, elle était encore seule. Elle baisait à droite, à gauche, parfois au milieu. Elle gardait l’espoir comme un ticket de métro usé qu’on garde au cas où. Sa mère lui demandait de temps en temps où elle en était, côté cœur. Elle répondait : « Rien de sérieux ». Sa mère l’imaginait vierge, timide ou trop difficile. Elle la laissait croire. C’est pas à sa mère qu’elle allait raconter qu’elle enchaînait les histoires comme on efface un texto trop long. Elle soignait son cœur à coups de corps inutiles.
Et devant l’océan, avec le ciel bleu par-dessus, elle y croyait encore. Pas à l’amour, pas aux contes à la con, mais à la férocité magnifique de la vie.