Et toc !
Je n’aime pas le développement personnel. Voilà, c’est dit. Je trouve ça con. Con, nian-nian, culpabilisant, débile, et une nouvelle fois, très très con.
« Le bonheur, c’est maintenant. »
« Vous êtes votre meilleur ami. »
Va te faire foutre.
Cette mode ne passe pas. Elle colle, elle pue, elle pullule. Tous ces petits évangélistes new age qui nous répètent qu’il faut s’affranchir de nos croyances limitantes, devenir "une meilleure version de soi-même" — j’ai envie de leur jeter un dictionnaire, et qu’ils s’étouffent avec. Derrière les sourires de yoga et les tisanes sans sucre, c’est pas la paix intérieure qu’on nous vend, c’est une idéologie. Frelatée. Ultra-libérale. Une start-up nation du bien-être.
On vous promet le nirvana, et ce qu’on vous file, c’est une prison dorée avec miroir grossissant. Dans cette secte soft, l’exploitation est totale : soi par soi. T’as pas réussi ? C’est parce que tu n’as pas voulu assez. T’as pas de taf ? Traverse la rue. T’es malheureux ? Achète-toi un tapis de yoga. L’axiome est simple : quand on veut, on peut. Et si tu peux pas, c’est que t’as pas voulu. Ferme-la, médite, achète le dernier bouquin du gourou de la semaine.
Tout ça me donne la nausée.
Je pense à ce patient palestinien, les yeux éclatés par la poussière et le deuil, qui a sorti sa fille d’un an et sa femme des gravats. Qu’est-ce que je devrais lui dire, moi ?
« Respirez par le ventre, monsieur. Vous allez voir, avec de la volonté, tout est possible. »
Mais allez tous crever avec votre détermination. Elle ne reconstruit pas un enfant. Elle ne ramène pas les morts. Elle ne paie pas un loyer. Elle ne suffit pas.
Et puis, on n’a pas de devoir d’être heureux. Ce n’est pas une obligation civique, ni un concours d’État. On peut, bien sûr. Mais on peut aussi s’en foutre. Lâcher prise, oui, mais pas comme ils l’entendent. Lâcher l’idée même de se foutre la paix pour mieux rentrer dans leurs cases. Je n’ai pas envie d’aller mieux pour ressembler à un influenceur LinkedIn sous Lexomil.
Non, je n’aime pas le développement personnel.
Je le gerbe.
Je vomis ses accords toltèques et son ton passif-agressif de DRH en reconversion.
Je crache sur cette religion molle, sur cette fabrique d’individualistes béats, sur ce monde où la souffrance est une erreur de paramétrage, un bug qu’il faudrait corriger à coups de mantras.
Moi, je crois aux failles, aux gueules froissées, aux gens qui vont mal sans plan de développement. Je crois aux ratés magnifiques, aux soirs de déprime sans solution miracle. Je crois à la dignité de ceux qui n'y arrivent pas.
Et je crois que parfois, juste parfois, ça suffit.