6. Julian est las de ces gens qui lui demandent "j'parle à qui ? Au p'tit con ou à l'écrivain ?" ...alors que c'est son ami, l'écrivain. Il cause vite fait du dernier livre qu'il a adore, celui de Nagui Zinet.
Ça me lasse, les gens qui me demandent : « Mais qui es-tu ? » Ouais, mon vieux, ce n’est pas toujours très clair pour eux, ils ne savent plus à force. « J’parle à qui, en fait ? À Julian, à l’écrivain, à l’ami d’un écrivain, à un petit con ? » Moi, j’sais qui j’suis pourtant. Les gens sont consternants parfois. C’est simple pourtant : l’écrivain est juste l’humain qui n’avait pas encore trop dit. Dépose sur le comptoir ta meilleure bière !
J’ai lu en quelques heures un bouquin pas trop mauvais, même qu’il est super si j’dois te donner un avis. Ça commence par cette phrase : « Les amours ratent, mais de peu, c’est ainsi que commencent les suivantes. » Ça en jette, hein ? C’est de Nagui Zinet et ça s’appelle Une trajectoire exemplaire. C’est désespérant, drôle, cynique, fou et bordélique. Ce sont cent pages bien foutues. Du Bukowski qui commence à bien se bourrer la gueule, du Nicolas Rey génial mais qui s’en branle de l’amour. Un pauvre type sublime, qui s’en fout de rester un pauvre type. Qui ment comme il respire. Tel un écrivain.
Ça roule pour mon ami, c’est gentil de demander. Pas boudeur pour un sou, il m’a même dit : « J’fais croire que je tire la tronche, mais en vrai je m’en fous ; moi j’dors bien la nuit. » Celui-là parlait sûrement pour une meuf.
J’ai lu les premières pages de son bouquin. Alléluia ! Ce n’est plus de la mièvrerie, de la déclaration à deux balles ; j’suis même pas sûr qu’il a écrit le mot « amour » encore dans son bourbier. Il s’en fout de plaire maintenant.
J’reste pas trop longtemps ce soir, j’ai à faire.